La pâle lueur de la lune éclairait le sentier de son voile presque fantomatique, les arbres filtrant cette dernière et plongeant les rares habitants de la forêt dans l’ombre, au gré du vent qui faisait bruisser les feuilles et se mouvoir les branches. La nuit, les bois semblaient totalement différents, comme entourés d’une étrange magie qui leurs donnait un aspect à la fois malsain et envoûtant. On aurait presque pu être captivé par les nombreux bruits de la nature et l’ambiance si particulière du soir si la végétation ne devenait pas si étouffante et angoissante. Le cadre sauvage et le bruit relaxant de la rivière au loin se mêlaient aux ténèbres qui régnaient en ces lieux et aux cris de pokémons nocturnes qui pouvaient surgir à n’importe quel moment. A la fois endroit apaisant mais qui laissait planer ce sentiment d’insécurité constant, la forêt qui recouvrait la montagne victorieuse était fascinante la nuit.

Progressant lentement entre les arbres, deux ombres silencieuses se fondaient dans la nuit afin d’y trouver un endroit parfait où se reposer, un lieu où ils pourraient enfin trouver la sérénité. Il était assez inhabituel de voir des gens se promener à cet heure dans un tel lieu, mais on pouvait aisément regrouper trois catégories de personnes dont la présence ici était légitime. La première catégorie regroupait les nombreux dresseurs de pokémons venus s’entraîner en ces lieux et qui avaient fini par succomber aux charmes de la nuit et s’étaient lancé dans un camping improvisé, la seconde catégorie comptait parmi elle les fous de la natures ou les habitués en matière de survie en milieu forestier et la troisième et dernière catégorie était composé des habituels criminels et cannibales qui fuyaient la population et redescendaient parfois afin de kidnapper et violer des femmes ou manger des enfants. Dans le cas présent, il s’agissait heureusement d’un simple dresseur et de son pokémon, ces derniers souhaitant profiter de la soirée pour camper et reprendre leur entraînement le lendemain.

Rompant le silence ambiant et si reposant, le ventre de l’un des deux protagonistes se mit à gargouiller, trahissant le besoin pressant de se trouver un coin où se reposer et manger. Cela faisait plusieurs heures qu’ils marchaient dans l’obscurité la plus totale et seul les rayons lunaires les aidaient à retrouver leur chemin dans ce labyrinthe de verdure. Ils n’avaient pas de but précis et vagabondaient sans rien dire, profitant de l’air frais et s’enivrant du parfum de la nature, maudissant aux passages les divers moustiques et autres petites bêtes qui venaient leur sucer le sang et leur mordre la peau.

- Eh bien, on dirait qu’on est complètement perdu… On ferait mieux de s’installer ici… En plus je vois que tu as faim…

La voix d’Oliver marqua le début de l’installation de son campement et de celui de Bones, l’Osselait qui l’accompagnait dans ses voyages depuis maintenant plusieurs mois. Ils avaient tous deux parcouru la montagne toute la journée et s’étaient décidé à coucher à la belle étoile cette nuit-là : d’abord parce qu’ils n’avaient plus trouvé le chemin du retour et ensuite parce qu’ils comptaient s’entraîner le lendemain et qu’être sur place pouvait constituer un avantage. Bien vite, ils déballèrent leurs affaires et alors que le dresseur allumait un feu afin qu’ils puissent se réchauffer, le pokémon entreprit d’aller vadrouiller dans les alentours à la recherche de quoi que ce soit qui aurait pu les aider d’une quelconque manière que ce soit. Disparaissant du champ de vision de son maître, le pokémon au casque d’os s’enfonça dans l’obscurité et sembla profiter du calme de la nuit pour se détendre. Il marcha quelques minutes avant de trébucher sur quelque chose de mou, quelque chose qui n’avait rien à faire là. Devant lui, un homme en caleçon était étalé par terre, la tête à moitié dans les buissons et un filet de vomi dégoulinant de ses lèvres et ayant séché sur sa joue. Appelant son maître, Bones s’approcha de cet être étrangement vêtu et toucha sa joue avec son os, sans succès. Il continua à descendre et à le taper un peu partout avec son os et il allait enfoncer ce dernier dans un endroit non recommandé quand Oliver surgit de derrière un arbre, faisant assez de bruit pour stopper le mouvement de son pokémon dont l’arme était à deux centimètres de pénétrer dans un lieu sacré.

- Je ne suis pas sûr qu’il va apprécier…

L’Osselait recula d’un pas pour laisser son compagnon de route s’approcher et l’inspecter à son tour. Habitué et ayant assimilé durant des années des notions en médecine, Oliver commença par prendre le pouls du jeune homme, s’assurant qu’il était en bonne santé. Puis il l’allongea sur le dos et se rendit bien vite compte que l’inconnu était dans un sale état, couvert de vomi et d’autres substances dont on ne pouvait vraiment affirmer l’origine dans cette obscurité.

- Vraiment, les gens ne savent plus où jeter leurs déchets… Bon, on va pas le laisser là…

Prenant l’énergumène par-dessous les bras et le tirant jusqu’au campement, Oliver essaya de comprendre comment un homme comme lui avait pu atterrir ici. Il semblait sans défense, fatigué et ne correspondait à aucun des profils qui auraient pu justifier sa présence ici. A première vue, il avait le même âge que lui et donnait l’impression d’avoir couru de toutes ses forces pour fuir quelque chose, ou quelqu’un… Le vomi montrait qu’il avait certainement dû prendre une bonne cuite, ou du moins qu’il avait vécu quelque chose de pas banal.

Il finit par l’allonger au coin du feu, le regardant lentement alors qu’il préparait quelque chose à manger, un repas assez bon et nourrissant pour des campeurs, mais il avait appris à bien cuisiner quelques soient les circonstances : métier de majordome oblige. Même si l’idée de s’encombrer d’un inconnu en caleçon couvert de vomi ne l’enchantait guère, Oliver semblait éprouver de la compassion pour le nouveau venu : lui qui avait vécu un temps dans les rues, il savait ce que s’était de se retrouver paumé et il aurait aimé que quelqu’un prenne soin de lui s’il avait été dans le même état que cet être étrange et à moitié dénudé.

Le temps passa et au bout d’un moment, la masse difforme que représentait le jeune homme inconscient se mit à bouger, prouvant qu’il était bel et bien vivant mais aussi et surtout qu’il allait se réveiller. En train de manger le ragout qu’il avait préparé alors que Bones dégustait des baies fraichement cueillies, Oliver reporta son attention sur l’inconnu qu’il avait presque oublié.

- Enfin réveillé ? J’ai cru à un moment que tu étais vraiment mort…